« Ce témoignage d'un militaire m'a bouleversé »
Un militaire témoigne anonymement, pour lui et pour tous les autres qui n'osent pas.
Une histoire qui ne laisse pas insensible.
Les atrocités de la guerre ont laissé à Sébastien
(prénom d'emprunt), 30 ans, un syndrome de stress post-traumatique. Aujourd’hui en
rémission, il vient de récupérer son aptitude au métier des armes.
Militaire dans le Morbihan, il a accepté de témoigner sous couvert
d’anonymat. Pour tous les autres qui n’osent pas.
Je suis atteint d’un syndrome de stress post-traumatique. Je suis
en rémission. Ne plus pouvoir poursuivre mon métier aurait été un
crève-cœur. Depuis un médecin de l’hôpital militaire de Brest
m’a déclaré de nouveau apte au métier des armes. Une belle victoire
après deux ans d’errements, de souffrances, de doutes. Le chemin a été
difficile.Pendant de longs mois, j’ai vécu avec cette idée que je n’étais qu’un faible, que je n’étais pas à la bonne place. Mais des personnes ont su me tendre la main ; mes chefs se sont battus. Je ne dois pas les décevoir.
J’ai signé pour devenir militaire en 2011, alors que j’étais déjà enseignant. Je m’étais rendu compte qu’il me manquait quelque chose, que j’avais envie de bouger. Cet engagement est vital pour moi.
En 2014, avec l’opération Sangaris, des troupes françaises sont envoyées en République centrafricaine pour mettre fin aux violences interreligieuses. Des affrontements sanglants opposent milices chrétiennes anti-balaka et rebelles musulmans de la Séléka. Avec d’autres militaires, j’y suis déployé au sein d’un petit détachement.
Je passe cinq mois en forêt équatoriale. Les conditions de vie sont très dures, la menace omniprésente. Nous dormons peu, et en permanence avec nos armes. Les exactions se multiplient, la guerre civile confine au génocide. Nous sommes aux premières loges des massacres (il marque une pause). Nous devons faire face à des corps mutilés, des charniers, des cadavres à compter dans des fleuves.
En même temps, il faut trouver un sens à l’inexplicable, à la barbarie, à la sauvagerie… C’est oppressant mais je n’ai pas l’impression d’être choqué. Au final, ça devient la normalité. Je prends encore et chaque jour un peu plus. Bien plus tard, j’apprendrai qu’une telle charge se partage. Sur place, je suis en état de surexposition, pas le temps de s’apitoyer, la mission est ma priorité.
Un jour, je dois rentrer en France. On m’enlève mes armes, je me sens nu. Je retourne à la maison après être passé brièvement par un sas de décompression pendant deux jours, sans parler, sans me libérer d’un poids. Ces sas sont des lieux neutres, souvent des hôtels, qui permettent aux militaires en fin de mission de se réadapter à la vie civile, et de rencontrer des soignants pour faire le point, en parlant, sur leur expérience. Je suis à Chypre pendant deux jours, j’estime ne pas être à ma place.
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